Harcèlement moral – Le mémo juridique

 

 

 

Le harcèlement moral est une « technique de destruction »

 

Article L 133-2 Ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021 .

 

Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 

Les recours devant les tribunaux peuvent se cumuler :

 

- l’ action pénale : Le harcèlement moral est un délit prévu à l’article 222-33-2 du code pénal ;

 

- le recours pour excès de pouvoir en demandant au juge d’annuler les mesures constitutives de harcèlement moral

 

- le recours de plein contentieux pour obtenir la réparation du préjudice subi du fait d’agissements de harcèlement.

 

 

A- la protection des droits de l’agent victime de harcèlement moral

 

a- Le principe : l’agent est protégé dès qu’il dénonce les faits.

 

L’Administration a une obligation d’agir lorsque l’agent public alerte et dénonce des faits d’agissement à son encontre.

 

S’il s’estime victime l’agent doit alerter sa hiérarchie qui doit faire cesser les actes en cause.

 

L’Administration doit apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre des moyens pour faire cesser le harcèlement et tenter de rétablir une situation de travail normale.

 

La carence de l’Administration est une faute de service pour négligence et inertie. L’administration engage sa responsabilité par sa contribution lorsqu’elle mute l’agent pour faire taire le conflit ou lorsqu’elle le sanctionne plutôt que le supérieur auteur du harcèlement.

 

A noter que sur le plan civil, l’employeur a une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral. Au delà de la prise de mesures pour mettre fin au harcèlement, cela implique également l’obligation de prévenir tout acte de harcèlement (en ce sens Cour Cassation 10/02/2010 n° 08-44019 et 08-40144.

 

Le chef de service a également l’obligation de veiller dans la limite de ses attributions et dans le cadre des délégations qui lui sont consenties, à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ».

 

Enfin, tout agent public est tenu de dénoncer au Procureur de la République. le délit de harcèlement moral. L’article 40 al 2 du Code de Procédure Pénale énonce que « tout fonctionnaire qui dans l’exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, PV et actes qui y sont relatifs.

 

 b- La protection fonctionnelle de la loi de 1983 reprise dans le code général de la fonction publique (articles L134-1 à L134-12 du CGFP)

 

 L’Administration est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamation ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions et de réparer la cas échéant le préjudice qui en est résulté.

 

Le Conseil d’État ( Commune de Hoenheim du 12/03/2010 JCPG 05/04/2010 n°14) a intégré dans le périmètre de la protection fonctionnelle à l’agent public, le harcèlement moral.

 

C’est une obligation d’assistance qui consiste à mettre un terme aux atteintes et à assurer leur réparation.

 

Ainsi, l’obligation d’assistance comporte plusieurs volets parmi lesquels, l’action disciplinaire contre l’auteur des faits, l’assistance de l’agent dans les procédures juridictionnelles et la possibilité de diligenter une enquête interne en modifiant les conditions et l’organisation du travail.

 

La Cour Administrative d’Appel de Paris (11/10/1990 Chavant n° 89PA01548) a précisé qu’il ne peut être dérogé à l’obligation de protection fonctionnelle que pour des motifs d’intérêt général. Ainsi, une décision de refus peut être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir ou susciter une requête indemnitaire pour manquement de l’Administration à sa garantie de protection.

 

 

B La reconnaissance juridictionnelle du harcèlement moral.

 

a- Les éléments constitutifs du harcèlement moral

 

Les conditions sont cumulatives :

  • des agissements répétés sur une certaine période ce qui suppose d’identifier un point de départ ;

  • et une dégradation des conditions de travail (si c’est le comportement de l’agent qui est à l’origine des actes ou agissements, la qualification de harcèlement moral est exclue, la dégradation des conditions de travail trouvant son origine dans le manquement au devoir d’obéissance, les dénigrements ou l’attitude négative de l’agent ( CAA Bordeaux 25/1/2008, n°07BX00696) ;

  • et une atteinte à la personne, à ses droits, sa dignité, sa santé physique ou mentale, son avenir professionnel (exemple : situation qu place l’agent en congé de maladie pour un état dépressif (CE 24/11/2006 Mme Baillet c/ l’office national chasse et fane sauvage).Le juge recherche souvent l’intention de nuire ou malveillante pour caractériser le harcèlement moral et sanctionner. Mais la jurisprudence n’en fait pas un principe et regarde la situation au cas par cas.

 

Ainsi, certains arrêts précisent que l’intention malveillante de l’auteur des actes de harcèlement n’est pas une condition de l’existence harcèlement moral (CAA Versailles 18/06/2009 Mme Vernel n°07VE00787). Nous pouvons concevoir des agissements odieux d’un chef de service constitutifs de harcèlement qui résulteraient de ses excès de caractère et non d’une intention particulière de nuire à l’agent. Et au plan civil, la Cour de Cassation a précisé que le harcèlement moral peut exister sans aucune intention de nuire et résulter de méthode de management et de gestion de l’entreprise (C.Cass. 10/11/2009 n°08-41-497) ;

 

Exemples de harcèlement par typologie sur ce qui rend les conditions de travail indignes :

 

  •  isolement, mise à l’écart « placardisation », obligation faite à l’agent de rester à son domicile et de le priver d’affectation (CAA Paris 27/01/2009 M. Pierrec/ Ville de Paris n°07 PA02904)

     

  • installation de l’agent dans des mauvais locaux et à l’écart ,

  • privation pour l’agent de relations professionnelles avec ses supérieurs ou les agents du service tel que interdiction de pénétrer dans certaines pièces ou d’assister aux vœux du directeur,

  • mesures vexatoires,

  • dénigrement systématique des capacités professionnelles dans des termes humiliants,

  • privation de moyens matériels pour exercer son travail...

 

b- Des condamnations ou sanctions pas si fréquentes .

 

Des faits regrettables ne suffisent pas à qualifier le harcèlement pas plus que les difficultés personnelles avec un supérieur ou quelques incidents isolés.

 

Le magistrat regarde si l’acte ou l’agissement se rattache à l’exercice normal du pouvoir de direction du supérieur hiérarchique ou s’il caractérise la mise en œuvre du pouvoir d’organisation et de direction. Si les faits se démarquent trop de ce pouvoir, il y a harcèlement, dans le cas contraire, non.

 

L’Administration peut être exonérée de sa responsabilité.

 

L’exonération de la responsabilité de l’administration a été reconnue dans un arrêt du CE 24/11/2006 Mme Baillet c/ office national de la chasse et de la faune au regard du comportement de la victime de harcèlement moral. Ainsi, la cause exonératoire de responsabilité peut venir d’une mauvaise volonté dans l’accomplissement des tâches, de l’ignorance des consignes ou des critiques systématiques des consignes, d’une attitude agressive, d’un refus d’obéissance.

En conclusion, les cas de condamnations sont rares. Avant d’agir en justice il faut faire preuve de discernement dans la qualification des faits et intégrer les causes possibles d’exonération de la responsabilité de l’Administration.

 

Avant d’en arriver à cette extrémité, ne restez pas isolé, adhérez sans attendre à notre syndicat pour un accompagnement personnalisé.

 

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